Sur la route du Tizi n’Test : la mosquée de Tinmel

Sur la route du col du Test, on trouve un joyau. Un bijou, une perle, une fleur, un trésor, une merveille. On l’aperçoit du chemin, et il suffit de faire une petite boucle pour le cueillir.

Ah ! L’émotion me submerge ! La première fois que j’en ai entendu parler, c’est lorsque je suivais des cours d’histoire des arts de l’Islam à l’Ecole du Louvre. C’était un des rares monuments que l’on étudiait pour le Maroc (avec la Tour Hassan, qui fait aujourd’hui partie de mon paysage à Rabat). Je me souviens encore partiellement des photos que notre professeur nous montra des ruines de la mosquée et qui s’affichèrent sur l’écran blanc, en contrebas de l’amphithéâtre, dans une demi-obscurité rassurante, illuminée seulement par les petites lampes de nos tables à écrire. Merci donc à mon professeur, Mme Marthe Bernus-Taylor, pour m’avoir ouvert tous les horizons du monde musulman, depuis le choc byzantino-sassanide du VIIème siècle jusqu’à l’Iran Qajar du XIXème. Et en parlant de choc byzantino-sassanide, merci aussi à M. Jannic Durand, et aux autres professeurs… pour ces années riches. Pfff… Inattendue séquence nostalgie un dimanche de Pâques.

A l’époque, et ce n’est pas encore tout à fait acquis aujourd’hui, presque, je confondais Almoravides et Almohades. J’ai des circonstances atténuantes : à chaque fois, ça a été un peu la même histoire, un réformateur religieux et motivé voulait redonner de la morale aux populations du Maghreb et s’adjoignait comme bras armé un chef de tribu berbère, un bout de l’Espagne tombait sous leur coupe, ils étendaient leur territoire jusqu’au fleuve Sénégal, jusqu’à ce qu’une nouvelle dynastie vienne leur décrocher le pompon sous le nez. Abdallah Ibn Yasin, Mahdi Ibn Tumert, leaders spirituels, Yahya Ibn Ibrahim, Abdelmoumen, chefs militaires… j’avais le quarté gagnant mais jamais dans le bon ordre.

Aujourd’hui, c’est plus concret. La mosquée de Tinmel a été construite par les Almohades, qui ont succédé aux Almoravides. Elle a été édifiée dans la vallée du n’Fis, au cœur du Haut-Atlas, non loin de Marrakech, capitale de la dynastie, dans un lieu où Ibn Tumert avait créé une zaouïa où il dispensait son enseignement. Ibn Tumert, comme avant lui Ibn Yasin pour les Almoravides, est à l’origine du mouvement de renouveau spirituel qui conduira les Almohades à renverser leurs prédécesseurs : revenu d’un périple qui l’a conduit jusqu’à Bagdad et où il a rencontré al Ghazali, mystique récusant la doctrine des philosophes et en particulier celle aristotélicienne d’Avicenne, il trouve une oreille attentive à ses prêches en la personne d’Abdelmoumen, chef de tribu berbère, et avec lui entreprend la conquête de l’état almoravide.

Après Ouirgane, en parcourant la vallée, entre deux vénérables kasbahs (première photo), on aperçoit soudain, à droite à quelques encablures de la route, perchée sur une éminence comme un donjon sur une motte, la mosquée, blonde comme les blés, et son village serré contre elle.

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Par miracle, elle a été restaurée. Les travées de la salle hypostyle ont été relevées. Et aujourd’hui elle redevient présente pour les visiteurs. Elle est l’une des rares mosquées que l’on peut visiter au Maroc, avec la mosquée Hassan II et celle du Chellah à Rabat.

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Elle est contemporaine des petites églises romanes de la douce France. Et eu égard à l’extrême sobriété qui marque sa décoration, elle n’est pas non plus sans évoquer le roman cistercien. Dans la mosquée, tout le décor se concentre autour du mihrab, étonnant de par sa bichromie blanche et ocre. L’arc de ce dernier, comme ceux de la travée qui longe le mur de la qibla, est délicatement chantourné et se termine à la base par un élégant motif en forme de esse. Il est encadré par une frise géométrique.

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Les intrados des arcs alentour sont ornés d’un nerveux réseau de tiges végétales lobées entrecroisées, et à la base, entre les chapiteaux, une monumentale coquille joue avec la lumière depuis que la couverture a disparu. Les chapiteaux des colonnes sont ouvragés dans un style résolu et ferme, et présentent des ornements végétaux.

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La coupole au dessus du mihrab n’a pas été conservée, mais celles aux extrémités de la qibla le sont et offrent aux regards un spectaculaire travail de muqarnas. Au nord, sous la coupole, gisent les anciennes portes de la mosquée, retirées et remplacées par d’autres d’une belle facture également.

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On peut monter au minaret, qui est exceptionnellement bâti derrière le mihrab, et avoir alors une vue panoramique sur la vallée verdoyante. Un point de vue remarquable pour surveiller la vallée et jouir de la nature.

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Dans le Tel Quel de cette semaine, l’éditorial oppose Ibn Tumert et Ibn Rochd (Averroès), deux figures imposantes de l’ère almohade. Et dans Le Soir du 21 mars, l’histoire d’Ibn Tumert, « peut-être le premier fondamentaliste dans l’histoire du royaume chérifien ».

4 réflexions sur “Sur la route du Tizi n’Test : la mosquée de Tinmel

  1. je croix que l auteur a oublié de mensionner la koutoubia qui date de la meme epoque est encore plus belle neanmoins et malgé ces vestiges almohades je reste fidele a la dynastie almoravide !

  2. je suis ravie de trouver ces belles photos sur un cite .car ne sont pas n’importe qu’il .c’est du grand mosquée TINMEL .je crois que la population d’ alhaoz et plus particuliére de talat n’yacoub ayant de la chance . amileoré votre region

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