Lorsque je faisais des recherches en bibliothèque sur l’architecture coloniale à Rabat, je feuilletais avec fébrilité les revues concernées, dont je scrutais avidement chaque page, espérant y dénicher dans un coin le nom d’un architecte ou la date de construction d’un bâtiment afin d’étoffer mes connaissances dans ce domaine. Malheureusement, elles s’intéressent surtout à des constructions érigées à Casablanca, et n’accordent que peu d’attention à celles de Rabat.
C’est avec bonheur que je suis cependant tombé, dans la même revue évoquée à propos de l’immeuble « Liberté » : « L’Architecture d’Aujourd’hui » n° 35, sur le compte-rendu de l’avancée des travaux d’un immeuble tout à fait frappant situé à Rabat: « l’Immeuble pour l’office chérifien des logements militaires », décrit en détail dans la revue, représenté à travers plusieurs photographies, mais dont la situation dans la ville était passée sous silence ! Une raison de plus sans doute pour aiguiser ma curiosité et m’inciter à le retrouver et à le contempler de visu. J’ai brossé un rapide croquis reprenant de manière fidèle le profil de ce bâtiment. Puis je me suis mis en quête. Il me faisait bien penser à un immeuble situé près de celui des Chèques Postaux, mais en me rendant à cet endroit, je me suis finalement aperçu que ce n’était pas celui qui faisait l’objet de l’ article lu.

Un article qui se présentait de la façon suivante :
« Immeuble pour l’office chérifien des logements militaires à Rabat
J. Forcioli, J. Chemineau et L. Mirabaud architectes.
Le problème qui s’est posé lors de la construction de cet immeuble a été de réaliser un ensemble rationnel sur une trame urbaine périmée. C’est en effet le cas du tracé de Rabat, bien que la ville soit neuve encore et que des précautions aient été prises à l’origine pour éviter le désordre qui n’a pas manqué de se produire à Casablanca.
Des servitudes obligent à ouvrir les immeubles sur des rues tracées arbitrairement, d’autre part, il est difficile d’acquérir des terrains suffisamment importants pour de vastes programmes du fait de la spéculation qui s’est développée autour de petits lots. Enfin, l’immeuble se trouve dans une zone réglementée en hauteur afin de sauvegarder la vue de la résidence sur la mosquée de Salé et la porte des Oudaïas. Cette servitude a empêché la réalisation du projet initial qui comptait 6 étages.
L’immeuble a donc été construit sur 4 étages au point haut et 5 au point bas. Il comporte 55 appartements de 3 à 4 pièces, une garderie d’enfants et 3 magasins. La forme du plan, en H, a permis d’obtenir une bonne orientation pour tous les appartements. L’aile centrale étant sur pilotis, il n’y a pas eu de rupture dans le terrain. Celui-ci, légèrement incurvé, forme un petit parc pour enfants dont la surveillance est possible depuis chaque appartement. La surface réservée à cet usage est de 2200 m² alors que le terrain, dans sa totalité, mesure 3500 m².
C’est grâce au service de l’Urbanisme et à la grande compréhension dont a fait preuve le service du plan qu’il a été possible de passer outre à certains règlements, et qu’a été créé cet ensemble correct et bien orienté ne comportant aucun prospect trop court. »
Voilà donc l’article qui se trouve à la page 49 de la revue consultée. On y trouve ailleurs des photographies de « Villas pour l’armée de l’air à Rabat », dues aux deux mêmes architectes J. chemineau et J. Forcioli. Ces deux hommes sont également rapportés dans la même publication comme les concepteurs du « Stade Municipal à Rabat ». Dans l’ouvrage de Jean-Louis COHEN et Monique ELEB, Casablanca, Mythes et Figures d’une aventure urbaine, on apprend en outre qu’ils collaborent avec Edouard Delaporte pour de grands projets hospitaliers, à Rabat entre autres villes, et que le premier a réalisé la « Caisse centrale de crédit et de prévoyance », place Piétri, et a collaboré avec Henri Tastemain en 1949 et 1950. Mais en surfant sur internet, on trouvera recensés dans la base ArchiRès bien d’autres documents sur d’autres œuvres sorties de leur imagination :
Le temps passa. Le souvenir de cette construction flottait toujours dans les limbes de mon cerveau, quelque part entre le mésencéphale et l’hypothalamus, lorsque un jour, de retour de mon lieu de travail, en fiat uno et harassé de fatigue, remontant la rue en direction de l’immeuble des Chèques postaux, je détournai légèrement le regard sur la droite, je ne sais plus pour quel futile motif : c’est alors que se dressa devant moi – damned ! – l’immeuble tant recherché et appelé de mes vœux.

Oui, pas de doute, il lui ressemblait vraiment, avec ses balcons savamment répartis sur la façade et ses pilotis tronconiques ! Pour en être sûr, je pris quelques clichés, que je ne manquai pas de comparer par la suite avec la faible esquisse que j’avais tirée de la revue : cela concordait. Oh ! Au fait : ces immeubles se trouvent Avenue Moulay Ismail.


Si je retranscris l’article de la revue, et si je vous raconte tout ça, c’est, outre les raisons évoquées plus bas à propos de l’immeuble « Liberté », parce que, comme vous l’explique le titre de ce post, je souhaite mieux connaître Rabat.