Quand on fait une recherche dans Google Images concernant les deux toiles de Majorelle conservées dans l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville de Casablanca, « L’Ahouach » et « Moussem », on obtient ceci :
Les célèbres toiles de Majorelle sont à peu de choses près invisibles. Voici les reproductions que j’ai pu glaner sur les forums Dafina.net et Ce Maroc bien aimé :
Elles sont pourtant magnifiques : accrochées l’une en face de l’autre dans chacun des retours de l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville, elles représentent, pour la première, « l’Ahouach », une danse collective amazigh, et pour la deuxième, un « Moussem », se tenant non loin de la Place Jemâa el Fna et rassemblant une foule compacte.
L’hôtel de ville est un bâtiment emblématique de Casablanca et de l’architecture du Protectorat au Maroc : imaginés par Marius Boyer, et inaugurés en 1937, les patios à l’intérieur offrent des vues tout à fait séduisantes.
Dans « l’Ahouach », on reconnaît le profil si célèbre de ces Kasbahs du Haut-Atlas, dont j’ai déjà parlé ici. A l’arrière plan, s’étale une vallée verdoyante qui n’est pas sans évoquer le paysage d’Anemiter et de la vallée de l’Ounila.
Au premier plan au centre, des musiciens assis en groupe jouent du tambourin, et juste derrière, une rangée de femmes tapent dans leurs mains. Tout à gauche, deux autres femmes également richement vêtues, semblent fixer le peintre dont elles sont le sujet. A droite, on aperçoit d’autres femmes, mais qui ont le dos tourné. Plus à l’arrière, des spectateurs hommes se tiennent debout.
La composition – les figures humaines réunies en un groupe compact dans le registre inférieur, et dans le registre supérieur un paysage beaucoup plus aéré – rend bien compte du déroulement de cette danse qui se caractérise par une succession d’improvisations poétiques, de chants dialogués et de percussions.
Les couleurs sont dominées par les roses et les ocres, le blanc, ainsi que par quelques touches de vert et de bleu (dans les montagnes et les costumes) et confèrent à mon sens à la scène rythme, brillance et solennité tempérées par une certaine douceur.

La deuxième toile représente un moussem, fête qui rassemble la population d’une région autour de célébrations religieuses et festives et d’activités commerciales. Sur la toile, on reconnaît immédiatement le minaret de la Koutoubia de Marrakech qui s’élance dans un ciel de cendre : on se trouve non loin de la célébrissime Place Jemâa el Fna, dont on aperçoit au premier plan un représentant des non moins célèbres charmeurs de serpents, cadré avec beaucoup de modernité.
Juste derrière lui, un percussionniste fait entendre sa musique. A gauche, des hommes en tenue de fête sont assis en arc de cercle (est-ce une « halqa » ?). L’un d’entre eux regarde vers le peintre.
A droite deux hommes se tiennent bien droit sur leurs chevaux magnifiquement harnachés, assis sur de superbes selles de cuir brodé. Ils sont vêtus avec distinction et portent djellaba blanche, saroual rouge et babouches jaunes. De plus, celui qui est le plus proche de nous regarde fixement le peintre qui saisit son image, comme le faisaient sur l’autre tableau les femmes qui se trouvaient au premier plan à gauche.
A l’arrière, d’autres spectateurs sont attentifs aux démonstrations qui prennent place à proximité, comme le montre clairement l’image ci-dessus : des cavaliers identiques à ceux que l’on voit aux premier plan ; dans la partie droite des chaises à porteurs qui font penser à des « amariya »…
Au delà, c’est la ville dont les terrasses s’étagent pour former un horizon, lequel est parfois griffé d’un palmier ou d’un minaret, et surplombé par le fantôme de vaporeuses montagnes violettes. Ce qui est étrange, c’est que sur la reproduction en noir et blanc, tirée d’un numéro spécial de « L’Atlas » daté du printemps 1937 (« organe hebdomadaire de Marrakech et de la région sud marocaine »), les palmiers à gauche du minaret sont absents ; d’autre part le profil des montagnes est légèrement différent sur la toile que j’ai photographiée (le peintre l’aurait-il reprise ?).
Là encore, la composition s’étage en deux parties : dans le registre inférieur, une marée humaine ; dans le registre supérieur, un vaste ciel dégagé d’où émane une lumière diffuse.
Les couleurs sont plus assourdies et plus sombres que dans le tableau précédent : beaucoup de bruns et de noirs contrastent avec les tenues de fêtes blanches des participants au moussem, ainsi qu’avec le voile laiteux du ciel.
Je ne connais pas la date exacte de ces peintures : elles ont été sans doute peintes lors des séjours de Majorelle au Maroc. Elles ont été partiellement restaurées en 2001 par Caroline d’Assay.
Si vous avez des informations sur ces toiles ou des rectifications à faire… participez !
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