Les jolies maisons en bois de la rue Mehdia

Dans le quartier de la tour Hassan à Rabat (on aperçoit celle-ci sur certaines photos), derrière l’hôtel (grobourgeois) Golden Tulip Farah, cela fait un petit moment que j’ai repéré un groupe très intéressant de maisons datant  du Protectorat français, intéressantes mais aussi charmantes, menues, avec un toit à double pente, en bois.

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Si j’en parle, c’est parce qu’elles sont en train de disparaître, à leur tour sacrifiées sur l’autel de la spéculation immobilière, qui est, avec Croissancéconomique, une autre divinité puissante du panthéon terrestre global.

Regardez bien ces maisons. Parfois subsiste la petite porte d’entrée du jardin, branlante entre deux piédroits écharpés.

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Leur façade est protégée par une galerie dont l’auvent est soutenu par de délicats et élégants montants.

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Le toit pentu est recouvert de tuiles romaines. Les murs qui les entourent débordent de bougainvillées roses et bleu nuit. Sur les flancs de ces maisons, agrémentés d’un système d’aération, l’assemblage des fines lattes de bois forme un tracé géométrique simple mais étudié.

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Certaines sont occupées et très bien entretenues.

Mais l’une d’entre elles est vide, et ses murs semblent un peu faire la danse du ventre.

Enfin, plusieurs ont été… ah ! ont été… j’ai du mal à le dire… ont été dé… ah ! dé… DETRUITES !

L’un des jardins était en libre accès : j’y suis entré. On y voyait les fondations (en ciment ?) de ces maisons : elles dessinent un rectangle divisé en deux parties, avec sur le devant une pièce qui occupe toute la longueur de la maison, et à l’arrière, un espace divisé en trois parties.

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En retournant une tuile gisant à terre parmi d’autres éparpillées autour des fondations, on peut lire qu’elles ont été fabriquées en France, à Marseille quartier Saint André, par une entreprise nommée « Guichard Carvin & Cie ».

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D’ailleurs si vous tapez ces mots sur un moteur de recherche, vous trouvez que ces tuiles ont été utilisées pour une extension au XXème siècle du Bourj’Ali, palais de Saïda au Liban (ancienne Sidon). Toujours bon à savoir dans les soirées mondaines.

Vous voilà donc les nouveaux témoins de plusieurs vestiges d’un « patrimoine partagé » en voie d’extinction. Soyez-y attentifs dorénavant et n’hésitez pas à sensibiliser vos amis à sa valeur, afin qu’il soit protégé.

Actualisation : J’ai assisté la semaine dernière à l’Institut Français à une conférence de Robert Chastel, célèbre (à Rabat) collectionneur de cartes postales anciennes qui révèlent nombre d’aspects disparus de la capitale marocaine. Parmi elles, quelqu’une montrait les jolies maisons en bois sus-décrites. Il s’agit de chalets militaires préfabriqués habités autrefois par des soldats de l’Armée de l’air. A la fin de la conférence, M. Chastel m’a conseillé un livre intitulé Rabat entre hier et aujourd’hui, de Jean-Pierre Malka, aux éditions Marsam. On y voit p. 46, sur une double page dédiée à des vues de la Tour Hassan, une carte postale où l’on distingue ces mêmes chalets militaires. Il y en avait trois pâtés. L’un a été englouti sous le Golden Tulip Farah. Le deuxième compte les quelques maisons survivantes que j’ai photographiées. Les maisons du troisième pâté situé un peu plus haut, en face de la tour de l’autre côté de la Rue Assaadiyine, ont dû être dévorées par les constructions. Mais peut-être en reste-t-il cachées par les constructions ?

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