Les enfants de la rue à l’école du cirque Shems’y

Avant tout, pour vous faire comprendre comment j’ai été amené à assister au spectacle des artistes du cirque Shems’y, je veux vous raconter une terrible péripétie que j’ai vécue début mars de cette année, juste avant de partir à Zagora pour marcher dans le désert.

Les nuits sont fraîches dans le désert : tout le monde le sait, à telle enseigne qu’à chaque fois que quelqu’un parle de désert, il se trouve toujours une personne de l’assistance pour faire remarquer à qui voudra l’entendre que : « les nuits sont fraîches dans le désert ». Je prévoie alors donc de faire l’acquisition d’un sac de couchage, produit relativement difficile à dénicher à Rabat, que j’ai tout de même fini par trouver dans un magasin de sport, assez sélect en fait.

Il se trouve en centre ville. J’étais en train de me garer à proximité quand un enfant s’approche. Il me demande un dirham, mais je suis ennuyé parce que je suis en train d’effectuer un périlleux créneau. Je ronchonne. Je suis surpris quand l’enfant en question applique ses deux mains sur le capot de ma voiture pour faire mine de m’aider à me garer. Quelques instants après, comme je le craignais, son visage se tord et il se met à râler. Je me doutais qu’il allait se passer quelque chose de semblable et je ne le trouve pas sincère. Je ne panique pas, mais ne manifeste aucune réaction. Je suis enfin (!) garé.

L’enfant contourne la voiture et s’approche de ma vitre baissée. Il me montre une blessure mal soignée sur son tibia, bas du pantalon relevé. Involontairement, choqué par cette vision, j’exprime mon dégoût par un cri bref. Je veux sortir. Je remonte la vitre, mais l’enfant tend la main et la pose dessus. Je m’arrête de remonter la vitre et lui fais signe d’enlever sa main. Il l’enlève, mais à peine ai-je commencé à remonter la vitre qu’il repose sa main au même endroit. Et comme ce petit manège dure un peu, l’enfant se met à éclater de rire, d’un rire cristallin et un peu forcé, tout à fait enfantin.

J’ai fini de remonter la vitre. Je descends de voiture et au comble du malaise je lui donne quelques dirhams. Entre l’horodateur où je suis allé prendre un ticket et la voiture, je revois l’enfant. Il a un pochon rose à la main que je n’avais pas encore vu et le porte à son nez. Je suis parti me réfugier dans le magasin de sport sélect où j’ai acheté un sac de couchage onéreux.

Tout ça s’est passé en pleine rue, en plein jour. J’étais remué. J’ai beau avoir déjà vu ces enfants errants dans des reportages, souvent voyeuristes, à la télévision, c’est différent de voir l’un d’entre eux se détruire à quelques pas de soi.

Par la suite, je me suis expliqué pourquoi il riait tant. Il devait être sous l’emprise du produit qu’il sniffait. J’ai pensé qu’à travers son rire, malgré son apparence désolante, j’avais entraperçu sa nature candide d’enfant. Un ami m’a dit que les habitants s’étaient malheureusement habitués à ces enfants errant dans la rue tout au long du jour et rentrant le soir dans leur maison ou non.

J’ai recherché les jours suivants l’adresse d’associations qui s’occupent des enfants des rues : plusieurs sont sur le terrain. J’ai retenu le nom de l’une d’entre elles qui avait l’air très active : l’AMESIP, l’Association Marocaine d’Aide aux Enfants en Situation Précaire. J’ai pris connaissance de ses activités sur son site, aujourd’hui une page facebook :

https://fr-fr.facebook.com/amesip

Elle accueille ces enfants errants dans des centres la journée, elle les scolarise, donne une formation, elle leur donne accès à des activités variées, sportives ou artistiques, elle organise des séjours de vacances. L’un des centres est un centre de désintoxication. Et puis un autre, à Salé, forme ces enfants de la rue pour qu’ils deviennent des artistes de cirque. Il est soutenu en France par le cirque Fratellini.

Ce sont ces enfants qui ont présenté leur spectacle samedi dernier le 06/10 à Kénitra, à l’espace Balzac, où de nombreux enfants s’étaient déplacés avec leurs parents pour l’occasion. Le spectacle, un conte, relatait – en arabe – les aventures d’un enfant nommé Bartal, un enfant rêvant de se faire oiseau. A mi-chemin entre tradition et nouveauté, réunissant théâtre, danse et cirque, le spectacle était parfaitement dosé, avec des numéros variés qui se succédaient : acrobaties et jonglage, échasses, sauts à bascule…

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Le finale était un numéro aérien où des jeunes filles accrochées à de longues bandes de tissu accomplissaient en suspension diverses figures requérant à la fois robustesse et grâce.

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Le spectacle a commencé un peu en retard. J’ai assisté au montage du décor, épuré et très soigné. Les petits spectateurs folâtraient sur l’aire de gazon en attendant : à l’issue de la manifestation ils étaient visiblement ravis.

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Vous pouvez, comme moi, parrainer des enfants en versant chaque mois une aide, ou bien sûr faire un don pour soutenir cette association. Tout est expliqué avec beaucoup de clarté sur le site de l’AMESIP.

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