Lorsque je suis arrivé à Fès, je me suis promené dans les rues de la ville nouvelle en gardant le menton levé vers le ciel afin de repérer d’éventuelles plaques d’architectes. Mais je n’en ai découvert qu’une seule, bien précieuse, boulevard Hassan II.
En la scrutant avec attention, à travers les coulures de peinture, je suis parvenu à distinguer plusieurs noms de famille : les Frères Suraqui, architectes S. P. A. F. (Société Professionnelle des Architectes Français) et Aynié, architecte.
En faisant une recherche à propos de ces architectes, je suis tombé sur une mine de renseignements concernant l’architecture du protectorat à Fès : il s’agit de la thèse en doctorat d’histoire de Charlotte Jelidi, intitulée : LA FABRICATION D’UNE VILLE NOUVELLE SOUS LE PROTECTORAT FRANÇAIS AU MAROC (1912-1956) : Fès-nouvelle.
Vous pouvez la télécharger ici :
Thèse de doctorat d’histoire de Charlotte Jelidi Partie 1
Thèse de doctorat de Charlotte Jelidi Partie 2
Voici le titre de la première partie : 1ÈRE PARTIE : PLANIFICATION ET APPLICATION DES PLANS D’AMÉNAGEMENT OU LES DOCTRINES URBANISTIQUES CONFRONTÉES AU TERRAIN FASSI.
Dans la deuxième partie, on trouve les notices biographiques de nombreux architectes, un certain nombre de fiches présentant des bâtiments significatifs fassis datant de la période du protectorat, ainsi que de très nombreux photos, plans et cartes postales.
Le bâtiment des Frères Suraqui et de Pierre Aynié fait l’oBjet d’une fiche : la n° 10 :
« Fiche 10 : IMMEUBLE BRAUNSCHVIG
Avenue de France, lot n°170 du secteur d’HC.
Architectes : Pierre Aynié et les frères Suraqui.
1928-1930
Georges Braunschvig, riche promoteur, acquiert un terrain de 880 m2 sur l’avenue de France en 1927 dans le but d’y bâtir un important immeuble de rapport. A son décès, à Paris, en janvier 1928, quatre de ses héritiers reprennent son projet et demandent à leurs architectes de dresser les plans. En mai 1928, les frères Suraqui avec qui collabore l’architecte Pierre Aynié, proposent un dessin de façade aux références variées. L’ordonnance est d’inspiration néo-classsique. Les différents niveaux sont hiérarchisés, les colonnes abondent etc. Quant à l’ornementation, elle est particulièrement chargée : les piles des colonnes sont couvertes de marbre, les chapiteaux sont sculptés et imitent la pierre de Sefrou. Le premier étage est couvert d’une frise en imitation de pierre de Salé, sur les côtés des médaillons de zelliges polychromes, des ferronneries ouvragées, etc.
Source : Immeuble Braunschvig, avenue de France, Plan dressé le 30 mai 1928, Suraqui, AMF, SAB,
Dossier du lot n°170 HC.
En dépit de leur renommée, les architectes sont contraints en octobre 1928, par le service des Beaux-Arts et Monuments historiques d’atténuer l’ornementation. Les autorités proposent de revoir la hiérarchisation des espaces, en gardant le nombre de travées mais en introduisant un jeu de saillie et de retrait, en traitant certaines travées en encorbellement.
A l’intérieur de l’immeuble, les architectes utilisent abondamment les zelliges, le marbre, le fer forgé, que le service des Beaux-Arts a refusé en façade.
Les fondations, la terrasse, les planchers et chaînages sont en ciment armé et béton, tandis que la maçonnerie est faite de moellons et de chaux hydraulique. Au rez-de-chaussée sont aménagés plusieurs magasins, le 1er et le 2nd étages sont occupés chacun, par deux appartements de cinq pièces et au 3ème étage sont aménagés deux appartements de quatre pièces. »
On voit sur les différentes photos que j’ai prises quelles concessions les architectes ont dû faire concernant l’ornementation en façade qu’ils avaient planifiée au départ. On s’aperçoit au contraire que le hall d’entrée et la cage d’escalier concentrent une décoration très soignée, avec un escalier plaqué de marbre ondulant délicatement, et une tout aussi légère rampe de fer forgé. Le plafond du hall présente des moulures raffinées.
La cage d’escalier de l’immeuble
Plafonds moulurés
Magasins sous les portiques
Sous les portiques
On pourra trouver un article consacré aux frères Suraqui tiré du Maroc en 1932 à l’adresse suivante :
http://www.cemaroc.com/t25p20-le-maroc-en-1932
Le voici reproduit :
je suis la fille d’Elias Suraqui et votre reportage sur cet immeuble construit par mon père et son frère m’ont beaucoup intéressée. Un grand merci.
Véra Vidon Suraqui