Dans la merveilleuse rétrospective de ce peintre qui a lieu en ce moment au centre Georges Pompidou, et encore jusqu’au 24 avril 2017, on apprend que Cy Twombly a effectué un voyage au Maroc (et plus largement en Europe et en Afrique du Nord) pendant l’hiver 1952-1953. De retour aux Etats-Unis, il a peint plusieurs tableaux à partir de cette expérience, dans un atelier situé Fulton Street à New York, toiles dont les noms font référence à des lieux et sites marocains, comme Volubilis, Ouarzazat et Tiznit :



Ces toiles, il les expose à la Stable Gallery, en même temps que les White and Black Paintings de Rauschenberg. Il ramène également, prises à Tétouan, une série de photographies mettant en scène une table recouverte d’une nappe blanche, ainsi qu’une chaise en bois, typiques du mobilier des cafés, dans un esprit très minimaliste :
Le peintre :
A ce peintre originaire des États-Unis peuvent être associés plusieurs mots-clefs : la Méditerranée d’abord (il vivra longtemps en Italie), parmi l’Histoire et les mythes antiques de laquelle il tire abondamment son inspiration (histoire romaine, dieux grecs ou égyptiens…) ; la littérature ensuite, que ses lectures soient empruntées à l’antiquité (Homère, Sappho…) ou à des périodes plus récentes ; le geste, plutôt minimaliste dans les années 50 et atteignant une ampleur spectaculaire dans ses dernières œuvres (Untitled (Bacchus), 2005) ; le signe et l’écriture, qui viennent griffer ou absorber la surface de ses toiles.
A plusieurs titres, son travail présente des similitudes avec certaines toiles d’Anselm Kiefer, auquel Beaubourg a également consacré une exposition récemment : je pense à la peinture de ce dernier intitulée Varus (1976), d’après le général romain vaincu dans la forêt de Teutoburg, dont la surface présente des inscriptions qui lui donnent la dimension d’un monument.
Voici, à travers quelques clichés de l’exposition, un parcours très succinct dans l’œuvre de Cy Twombly :
Rencontres :
Cy Twombly voyage autour de la Méditerranée avec Robert Rauschenberg, peintre américain lui aussi très connu qu’il a rencontré pendant ses études à New York à la Art Students League, études qu’il poursuit avec lui en Caroline du Nord au Black Mountain College. J’ai pu trouver sur internet quelques photos d’eux, justement prises lors de ce périple. Comme Twombly à Tétouan, Rauschenberg ramène des photographies de ce voyage que je joins aux autres ci-dessous. Au Maroc, il voit aussi Paul Bowles, l’auteur d’Un Thé au Sahara, installé à Tanger depuis 1947, qui lui fait découvrir certains aspects du pays, notamment la partie sous domination espagnole. La photo de cet écrivain date de 1952, d’une époque où il collecte grâce à ses enregistrements les musiques traditionnelles marocaines.
Twombly et la peinture dans les années 50 :
L’exposition de Beaubourg consacre une salle entière aux productions des années 50 : une partie de ses toiles, auxquelles appartiennent celles peintes au retour du Maroc, montrent un geste énergique, une matière épaisse et une dualité entre le noir et des teintes claires ; d’autres toiles plus minimalistes, aux teintes crémeuses, marquées de sigles et d’inscriptions légers, complètent l’accrochage. Le peintre a été marqué par l’enseignement de Motherwell et de Kline au Black Mountain College, établissement ouvert sur une pratique expérimentale de l’art (entre autres disciplines). Il est aussi influencé par la matérialité des peintures de Jean Dubuffet.
Pour conclure, et comme matière à réflexion, je vous présente une toile contemporaine de Jilali Gharbaoui, peintre marocain abstrait qui, à l’époque où Twombly et Rauschenberg voyagent au Maroc, en 1952, part étudier en France à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris.
