J’ai acquis dernièrement un lot de photos prises par des Français lors d’un voyage au Maroc effectué en mai 1951. Le vendeur les présentait dans un album qui s’est révélé être récent. Il les y avait glissées pour augmenter le prix, des photos anciennes présentées dans leur album d’origine ayant plus de valeur. Quelques photos subsistaient en sus entre deux pages de l’album, rangées dans une fine feuille de papier pliée en deux sur laquelle figurent écrits au crayon à papier les noms suivants : Mrs Masson Pan Phuong. Je veux vous en faire profiter.

Chaque photo porte une annotation au dos (que je reproduis), au crayon à papier ou à l’encre, due à plusieurs mains (au moins deux). Les photos se présentent sous plusieurs formats également. Trois autres photos ne semblant pas avoir été prises pendant ce voyage et où l’on reconnaît une église romane, peut-être catalane, font également partie du lot, ainsi qu’une photo de soldats prise en 1945 à Remiremont.

Ces photos sont intéressantes à plus d’un titre. On peut essayer de retracer l’itinéraire de ces voyageurs qui ont débarqué à Oran qu’ils considèrent à l’époque des colonies comme étant une part du Maroc. Ces voyageurs sont un couple que l’on retrouve, notamment la dame, sur plusieurs photos. Ils ont voyagé sur un bateau nommé « Le ville d’Oran ». Les voici sur ce bateau :

On retrouve la dame (à gauche) avec une autre femme sur le pont du bateau sur une autre photo :

Puis c’est l’arrivée dans le port d’Oran, immortalisée par plusieurs clichés successifs. Regardez sur la première photo le coin en bas à droite : le pont du bateau est noir de monde. Cela me fait penser à des émigrants italiens débarquant à New-York au début du XXème siècle :

A Oran, ils photographient la gare P.L.M (des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée). Sur la première, la composition est, me semble-t-il, remarquable : le photographe amateur saisit à gauche dans l’ombre un groupe de promeneurs tout en mettant en valeur à droite le haïk lumineux d’une femme seule :

Ils prennent aussi la photo d’un porte-avions dans la baie d’Oran, puis d’autres clichés dans une petite localité proche d’Oran : Mers-el-Kébir, depuis un phare (le falon ? le falcon ?), où l’on retrouve notre intrépide voyageuse :

Ensuite leur voyage semble les conduire à Fès, où une photo de groupe a été prise sur une très belle terrasse dominant la médina. Un voyage organisé ? Je ne sais pas quelle forme prenait le tourisme au Maroc dans les années 50. Notre couple est debout, aux quatrième et cinquième places en partant de la gauche :

Le plus logique ensuite, c’est qu’ils aient filé vers Meknès, où ils ont pu faire une halte et prendre une vue de Bab Mansour, monument photogénique s’il en est : je crois que cette photo se retrouve dans tous les albums du Maroc, depuis que la photographie y est apparue ! Un homme s’y fait porter son sac par un enfant, au premier plan :

Puis ils sont partis vers Rabat et Casablanca.

A Rabat, la vue prise de la Tour Hassan (à l’époque on pouvait donc y monter) est notamment intéressante parce qu’on y distingue les lotissements de préfabriqués destinés aux militaires de l’aviation dont j’ai précédemment parlés dans un de mes articles, les « jolies maisons en bois de la rue Mehdia » : http://jyroc.wordpress.com/2007/10/06/les-jolies-maisons-en-bois-de-la-rue-mehdia/

Le lotissement de droite gît aujourd’hui sous le Golden Tulip Farah hôtel, mais celui de gauche existe encore, un peu incomplet cependant :

La vue des souks est en fait une vue de la kasbah des Oudaïas depuis le café maure créé quelques décennies avant cette prise de vue :

De là ils ont sans doute fait route à Marrakech, point le plus au sud de leur itinéraire décrit à travers les photos. Le pavillon de la Menara  et son oliveraie ont bien changé, comme plein d’autres choses :

Et revoici notre voyageuse, dans le palais de la Bahia qui n’a pas trop changé :

Les annotations figurant sur les photos ne sont pas toujours exactes (cf les commentaires ci-dessous). Je les ai reproduites fidèlement.