Aït Benhaddou, architecture de terre et décor grandiose

Ouarzazate est une base de départ pour de nombreuses excursions dans le grand sud marocain idéale. De ce point, j’ai pu me rendre d’abord à Aït Benhaddou, au nord-est, puis à Skoura, la première oasis que l’on rencontre lorsqu’on s’engage dans la vallée du Dadès.

Sur une petite place derrière la grande esplanade centrale de Ouarzazate, on trouve des grands taxis que l’on peut réserver pour atteindre l’une de ces destinations, suivant la formule de « la corsa ». Ce terme, qui fleure bon le scooter Piaggio et la pizza quatre saisons, recouvre la pratique qui consiste à payer pour l’ensemble des places disponibles du taxi, et qui ressemble fort à une réquisition. On se sent parfois terriblement culpabiliser, lorsque trônant sur la place avant, on dépasse avec morgue de potentiels voyageurs qui lèvent le bras dans l’espoir de faire s’arrêter le véhicule… qui ne s’arrête pas, son conducteur étant d’une probité implacable. La conversation des chauffeurs de taxi marocains – d’après ce que j’ai pu en juger – est très souvent très agréable et intéressante – il faut dire que nombre de ces chauffeurs sont des diplômés qui n’ont pas trouvé de travail plus attractif. J’en ai fait l’expérience cette fois-là encore, sans qu’il me soit possible, au-delà de l’impression que j’en retiens, d’en restituer exactement la teneur.

Après une demi-heure de route distrayante, le taxi se gare sur un petit parking. On ne voit encore rien du bourg. Il faut suivre un chemin en pente bordé de boutiques touristiques. Mais la vue s’ouvre soudain, et Aït Benhaddou apparaît.

Entre le parking et l’oued

Aït Benhaddou est remarquable à plusieurs égards. C’est en premier lieu un paysage magique. C’est ensuite un émouvant conservatoire de l’architecture en pisé du sud marocain. C’est enfin un haut-lieu de pèlerinage pour les aficionados, dont je fais partie, du « Gladiator » de Ridley Scott.

Le bourg escalade le flanc d’une éminence, et les maisons s’y répartissent comme des jardins étagés. Le tout a l’allure d’une imposante forteresse, mais douce et baignée du miel de la lumière. Plusieurs kasbah, résidences d’importance, se distinguent de l’ensemble. Au pied de la colline coule un oued généreux sur un lit caillouteux. Il est un miroir glacé et limpide où se reflètent les ocres des murs. On le franchit sur un gué, il faut prendre appui sur de grosses pierres blanches et enjamber l’onde. Si un bus s’est déchargé de sa cargaison un peu plus haut sur le parking, le gué devient rapidement une autoroute. C’est ce qui est arrivé alors que je me trouvais là-bas. Des enfants aidaient en les soutenant les aventuriers retraités qui tentaient la traversée. Comme je les regardais, aucun n’est tombé à l’eau.

Le miroir d’Aït Benhaddou
A l’aventure
Majestueuse kasbah

Patrimoine mondial de l’UNESCO, le bourg est une magnifique coïncidence d’édifices de terre. Une ruelle grimpe jusqu’au sommet d’où, de l’un des côtés, on surplombe les toits en terrasses et l’oued, et de l’autre, le regard se perd dans un lointain sereinement montagneux. Sur le chemin, contre le muret, deux objets, un transistor et un tapis berbère, dessinent la place réservée d’un habitant jouissant sans doute de la fin d’après-midi. Locus amoenus.

Les toits
Les montagnes
Locus amoenus

Le chemin est escarpé. Il serpente, prend un virage en épingle à cheveux, dessine de franches sinuosités, tout en invitant le regard à se diriger vers la vallée. Puis il s’en revient, s’incline, ramène et reconduit jusqu’aux rives planes de l’oued que l’on retrouve en traversant si l’on veut une kasbah. Plusieurs d’entre elles se visitent à Aït Benhaddou, ouvertes par leurs propriétaires soucieux de leur conservation. Entre quatre tours monumentales se resserre une cour où se déroulent les activités agricoles et où patientent des animaux. Les façades s’ornent de décors berbères. Tout en haut, dans de petites pièces qui s’ouvrent sur la terrasse, se cachent de précieuses et délicates peintures.

Le regard s’échappe
Dans la cour de la kasbah
Décors berbères
Peintures berbères

Enfin, si vous vous rendez à Aït Benhaddou, vous entendrez sans doute parler du tournage de Gladiator. Avant de pénétrer dans la ville, on passe par une aire dégagée : c’est à cet endroit là qu’aurait été filmé le combat qui se déroule à l’intérieur d’un amphithéâtre provincial, reproduction de l’amphithéâtre romain où se dénouera l’histoire. Plus loin, une pancarte annonce sur la façade d’une maison l’entrée d’un musée en rapport avec le film. Timide, mais curieux, je traîne un peu devant la porte, tend le cou pour observer ce que l’on trouve derrière, manifeste ostensiblement mon intérêt pour le lieu. Personne pour m’accueillir. J’entre. La maison traditionnelle est organisée autour d’une petite cour lumineuse – la porte de la maison est d’ailleurs munie d’une magnifique serrure en bois sculpté. Le propriétaire arrive enfin, et me mène jusqu’à un endroit insolite, une grotte où il a réuni toutes sortes de souvenirs du tournage du film, auquel il a participé. Il me montre des armes en toc, un caillou tout mou, qu’il manipule comme du marshmallow… Il me fait aussi visiter le reste de sa maison, à laquelle je porte une grande attention. A vrai dire, je ne sais que penser de l’ouverture spontanée de cet endroit, qui m’a séduit, aux visiteurs : faut-il y voir le résultat de l’emprise funeste du tourisme sur la ville ou bien le désir simple de la part d’un témoin, de partager, de façon avantageuse, un souvenir de tournage agréable ?

La grotte du musée Gladiator
Aït Benhaddou au pays du soleil couchant

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